Introduction et définition du problème

Le Yoga tient ses origines de la nécessité qu’avaient les anciens sages de se débarrasser pour de bon de toute souffrance et d’atteindre une réalisation directe du Soi. Ces vieux sages inconnus, toujours minutieusement attentifs aux phénomènes de la vie, se sont rendu compte que tant que nous ne sommes pas conscients du lien d’union perdu entre nous-mêmes et l’infini, il nous est impossible d’échapper à la souffrance. Restaurer une véritable prise de conscience de cette union et réaliser notre nature divine est le plus noble dessein du Yoga.

On dit que ce Yogavidya est vieux comme le monde, transmis de génération en génération par la tradition vivante, et il a été systématisé aux alentours de -200 avant JC par le sage Patanjali sous la forme des Yoga Sutras, également connus en tant qu’Ashtanga Yoga. Ce traité de sutras de Pantanjali est considéré comme le canon du Yoga classique.

Cependant, à notre époque moderne, la perspective du Yoga a grandement dérivé en ce que l’essence profonde et éternelle du Yoga a été mésinterprétée / mal comprise et réduite à quelques exercices physiques sapant toute la dimension spirituelle. La place relative des postures (asanas) a été élevée au point de faire croire aux gens que le terme Yoga se réfère exclusivement à des postures physiques, mêlées à quelques exercices de respiration du nom de Pranayama, et dont le but n’est que de pratiquer des exercices sportifs. De la même manière, souvent ce qui est appelé méditation aujourd’hui (dérivée du Dhyana yoguique), et très répandu, est en réalité un arsenal de techniques pour rendre les gens plus performants dans leur domaine (gestion du stress, etc …). Le tout et la partie ont été inversés, créant ainsi une terrible confusion et induisant les gens en erreur sur ce qu’est la véritable nature du yoga classique. Les personnes qui pratiquent ces techniques affirment souvent qu’elles pratiquent du Hathayoga, ainsi que du Ashtangayoga. Mais selon moi l’importance exclusive donnée à quelques techniques d’hathayoga (asana et pranayama) a besoin d’être repensée. En effet, si les pratiques de hathayoga ne mènent pas au Rajayoga, alors elles ne sont qu’une simple série d’exercices de gymnastique.

C’est pourquoi il est nécessaire de redéfinir la signification du Yoga et de clarifier son but pour que le message pure et authentique du Yoga classique soit compris dans sa véritable perspective. Pour ce faire, à l’aide de l’étymologie du terme yoga ainsi que de ses diverses dimensions dans la littérature classique, ici un effort a été fait pour comprendre le véritable apport de l’ashtanga yoga dans sa perspective classique, tout en soulignant l’absence de certains de ses aspects dans sa pratique et sa représentation contemporaines.

Signification et définition

Généralement le terme Yoga est compris comme moyen, méthode et technique. Cependant, lorsque l’on parcourt les magnifiques commentaires du sage Vyasa sur les Yoga Sutras de Patanjali, on y lit “Yogena yogo jnatavya… yoga-aiva-upaadhiyaya”, ce qui veut dire que le Yoga devrait être connu à travers sa pratique puisque le yoga lui-même est un professeur. Cette affirmation du sage Vyasa fait ressortir deux aspects du yoga, à savoir 1. le Yoga en tant que adhya (i.e. la finalité à atteindre) et 2. sadhana (i.e. moyen, méthode, etc …).

Examinons maintenant cette affirmation sur la base du sens étymologique du terme Yoga et de ses différentes définitions dans la littérature classique.

Le terme Yoga provient de la racine sanskrite “YUJ” qui signifie:

  1. Définition du Yoga à partir de yuj samjoge = unir.

    “Samyoga yoga ityukto jivatmana parmatmanoh”, c’est à dire l’unification du soi individuel avec le Soi Suprême est le Yoga. Ici le terme Yoga indique l’union ultime et par conséquent montre la finalité du Yoga (définition que l’on retrouve dans le Hatha Yoga en général, et dans les textes comme le VasishthaSamhita, Yogi Yajnavalkya, Yoga Vasistha, Astanga Yoga de Charandas etc …)

  2. Définitions du Yoga à partir de yuj samadhau = rassembler ou intégrer

    i. Yogah samadih (commentaire de Vyasa sur le premier sutra de Patanjali PYS I/1), c’est à dire une totale intégration. Patanjali semble accepter cette signification puisqu’il ne souscrit pas à l’autre sens, à savoir “union”. Ceci s’explique principalement parce que Patanjali adhère à la métaphysique Samkhya dans laquelle l’objectif est la séparation entre Purusha et Prakriti. De la même manière Patanjali délivre le même message en disant que drashta (ce qui observe) est à séparer de drishya (ce qui est observable), puisque l’association des deux est la cause de la souffrance, d’où le sens de séparation donné au Yoga et non d’union selon le sankhya-yoga. La Bhagavad Gita est on ne peut plus claire: “tam vidyadduhkhasamyoga viyoga yoga samjnitam” (Gita 6.23). La dissociation de la douleur ou de la souffrance est le Yoga. Ceci est une nouvelle fois basé sur la philosophie Samkhya qui déclare que toute forme de douleur et de misères survient du fait de la fausse identification de purusha avec prakriti. Par conséquent, la séparation de la souffrance signifie séparation entre prakriti et purusha, séparation à l’issue de laquelle purusha réside en sa vraie nature techniquement appelée svarupaavastha (PYS I/4).

    ii. “Samatvam yoga ucyate” (Gita II/48). Selon la Bhagavad Gita, le Yoga est l’état d’équanimité (calme, sang-froid) dans lequel la personne reste non affectée par diverses situations telles que le succès et l’échec, l’attachement et l’aversion dans la vie. Cette équanimité du mental libère les personnes des déséquilibres du mental et les aide à être plus stables et détendues.Sur la base des définitions discutées aux points a et b, il est clair qu’elle représentent toutes deux la finalité du Yoga, que ce soit en terme d’union ou d’intégration.

  3. Définitions du Yoga à partir de yuj samyamane = restreindre, contrôler, canaliser

    i. Tam yogamiti manyate sthiramindriyadharanam (Katha Upanishad  2.6.11), ce qui signifie que la stabilité des sens est considérée comme le Yoga.

    ii. Concentrer le mental en contrôlant les sens est le Yoga (Shveta Upa 2.8).

    iii. Yogascittavrtti Nirodhah (PYS I/2), la canalisation du citta (mental) de l’état perturbé à non perturbé (c’est à dire vers l’intégration et l’harmonie) est le Yoga.

    iv. “Le yoga est l’intégration et l’harmonie entre les pensées, les mots et les actes, ou l’intégration entre la tête, le coeur et les mains” Swami Satyananda.

    v. Manah prashamanopayah yoga ityabhidhiyate (Yoga Vasistha). Le yoga est un moyen de calmer le mental.

    vi. Yogah karmasu kaushalam (Gita 2.50). La perfection dans l’action est le Yoga, autrement dit, oeuvrer avec dévotion sans attendre de résultat (non attachement) est le Yoga. C’est une technique pour obtenir le succès dans la vie. Ici le principe de non attachement aide à atteindre le calme. La Baghavad Gita met en avant “la conscience dans l’action” et l’action calme est le processus; l’efficacité et l’agilité dans l’action sont des résultats.

    vii. Yogah bhavati duhkhaha (Gita 6.17). Le yoga est une méthode qui permet de surmonter toute forme de souffrance de façon permanente.

Dans les définitions abordées au point c, le Yoga est présenté comme un moyen qui consiste en différentes pratiques / méthodes / techniques menant à l’accomplissement de a. unification, ou b. intégration, c’est à dire la finalité du Yoga. Le Yoga en tant que moyen mentionné au point c a été mis en pratique par les yogis d’une façon ou d’une autre selon leur tempérament à travers l’histoire des diverses formes/dimensions de Yogas.

Classification des approches classiques

Une classification générale de toutes les approches et dimensions du Yoga classique peut être divisée en deux branches principales:

  1. Première branche, le Bhavana Yoga qui consiste à développer une attitude particulière en soi-même et envers le monde. On trouve le Bhavana Yoga dans toutes les approches de la Bhagavadgita. Les écoles de yoga appartenant à cette branche sont :

    a. Le Jnana Yoga, qui est le chemin du savoir et de la sagesse. Ceci implique une intense discipline mentale. Le sadhaka apprend à discriminer entre le réel et l’irréel, entre le fini et l’infini.

    b. Le Bhakti Yoga, qui est le Yoga de la dévotion. Ce chemin est la voie de l’amour et de la dévotion. C’est un chemin d’abandon total consistant à dédier tout ce que l’on a à l’accomplissement de l’ultime réalité. On retrouve ce bhakti détaillé dans la Bhagavadgita. Cependant, le Bhakti Yoga en tant que méthode indépendante est mentionné dans le Narada Bhakti Sutra et le Shandilya Bhakti Sutra. La Bhagavat Purana traite du navadha, les 9 étapes du Bhakti.

    c. Le Karma Yoga. Cette voie nous enseigne à accomplir notre devoir de façon désintéressée, en dédiant le fruit de nos actions à l’humanité. Pratiquer cette forme de Yoga nous aide à vivre dans le monde sans être perturbé. On trouve les germes du Karma Yoga dans l’un des plus importants systèmes de philosophie indienne connu sous le nom de philosophie Mimamsa. Le Karma Yoga est connu en tant que Nishkama Karma Yoga dans la Bhagavadgita.Dans les Yoga Sutras de Patanjali, nous trouvons une profonde combinaison de jnana-bhakti-karma-yogas à travers la pratique du Kriyayoga dans lequel on retrouve le karmayoga dans la pratique de tapas, le jnanayoga dans la pratique de svadhyaya, et le bhaktiyoga dans la pratique d’isvarapranidhana. Tapas, svadhyaya et isvarapranidhana font partie de nos vies à tous depuis des temps immémoriaux. Mais les objectifs et les motivations, souvent conditionnés par les époques, ont toujours différé d’un individu à un autre. Donc, lorsque ces pratiques sont mises en oeuvre avec comme seul objectif d’atteindre le Samadhibhavana (i.e. développer un état interne de Samadhi) en affaiblissant la puissante influence des kleshas (i.e. les afflictions du mental), cela devient le Kriyayoga. Selon Patanjali les trois composantes du Kriyayoga sont d’égale importance lorsqu’il souligne que toutes les trois doivent être mutuellement intégrées de façon correcte pour obtenir l’effet désiré. Patanjali est parfaitement clair sur ce point en utilsant le terme “kriyayogah” au singulier.

  2. Deuxième branche, le Prana samyaman Yoga, qui consiste à atteindre la plus haute réalisation à travers le contrôle du Prana (énergie vitale). Les écoles de yoga appartenant à cette branche sont:

    a. Le Mantra Yoga, impliquant la méditation et l’utilisation de certains sons appelés mantras qui sont traditionnellement transmis aux élèves et sont utilisés en tant qu’objets de concentration. Mananat trayate it Mantra – à force de récitations répétées, le mantra libère des pensées négatives, fait naître des pensées positives pour mener à l’absence de pensées. La Shiva Samhita recommande, tout en en expliquant les raisons, que le Mridu (i.e type faible de sadhaka – élève) pratique le Mantra Yoga. Les Mantras sont basés sur la théorie de sons ésotériques et ont un rapport ésotérique avec les différents centres énergétiques du corps humain. Le Sharada Tilaka Tantra associe toutes les voyelles avec ida, les semi-voyelles et les consonnes avec sushumna. Dans un but spirituel, il est nécessaire de travailler sur ida et sushumna (deux canaux énergétiques). Selon le Mantra Mahodahi et le Mantra Yoga Shastra, le Mantra Yoga repose sur 15 membres.

    b. Le Hatha Yoga. Ainsi se nomme le plus important système de Sadhana directement lié au contrôle de la respiration, un équilibre entre Ha et Tha (deux principes énergétiques). Il pose les asana, kumbhaka, mudra et adanusandhana comme membres fondamentaux du Hatha Yoga. L’équilibre entre Ha et Thaest facilité lorsque l’on se soumet à diverses pratiques telles que les pratiques de nettoyage et nadishodhana (une technique de respiration). Traditionnellement l’école de Hatha Yoga reconnaît 8 variétés de kumbhakas. Certaines traditions incorporent la récitation de Pranava ou Bija Mantras pendant toutes les phases de la respiration contrôlée: inspire, rétention, expire.

    c. Le Laya Yoga. Ce terme signifie étymologiquement “complète absorption”. Il comprend l’essence du Mantra Yoga, la pratique du Pranayama et la concentration sur un point à l’intérieur du corps. Cela peut être les Chakras – centres énergétiques ou Bhrumadya, Nasagra, Jihvagra – points sur lesquels poser le regard. Le Laya Yoga procède également au contrôle des 5 sens – plus connu sous le nom de Pratyahara. La concentration sur les Chakras a pour conséquence la montée de la Kundalini le long des 7 Chakras, pour atteindre Sahasrara et s’unir avec Shiva. C’est ce que l’on appelle Maha Laya.

    d. Le Raja Yoga. Pour finir, il existe un état de réalisation yoguique. Le Rajayoga est aussi synonyme de Samadhi. Le Yoga de Pantanjali est identifié comme Raja Yoga. Il est intéressant de noter que le Yoga de Patanjali contient le germe de presque toutes les variétés de Yoga et peut être pratiqué par n’importe qui, quelle que soit la foi qui l’anime, ce qui en fait une approche particulièrement bien adaptée à nos sociétés modernes.

Maintenant, penchons-nous un peu sur les 8 membres du Yoga de Patanjali ainsi que sur les aspects manquants du yoga à notre époque.

Le yoga de Patanjali et ses 8 membres.

Le traité de Patanjali, composé de Sutras et divisé en 4 chapitres, est un exposé psychologique du Yoga. Son champ d’action consiste à définir le fonctionnement du Citta (qui englobe le psychisme) et comment en prendre le contrôle. Le traité entier explique comment s’y prendre et les chemins pour y parvenir. C’est pourquoi Patanjali définit le yoga comme “citta vritti nirodhah” (YSP I/2). Cela ne veut pas dire que le sadhaka (pratiquant)  finit dépourvu de mental, mais plutôt qu’il est en état de pleine conscience, avec un mental (citta) transformé qui, grâce à sa nature non perturbée (sattvika) – i.e. non affectée par les vritti -, peut fonctionner de telle sorte à laisser émerger le Soi (conscience) de même que le non-soi. Cet état peut être atteint dans et par une pratique à la fois dévouée et déterminée (abhyasa), mais aussi objectivement détachée (vairagya). De même que toutes les autres écoles mentionnées plus haut, Patanjali développe un processus de transformation personnelle où la pureté morale (yamas) et éthique (niyamas) est fondamentale et indispensable pour avancer sur le chemin de la transformation. On ne peut concevoir d’être impur, insincère, menteur et malveillant envers les autres et à la fois prétendre pratiquer le yoga. C’est pourquoi l’on se doit d’être ancré dans la bonté, la pureté, la vérité, la confiance, la patience, la sincérité, l’altruisme, l’honnêteté, et le contentement. Malheureusement ces vertus sont bien souvent ignorées à notre époque.

Asana

Patanjali le définit ainsi “sthirasukhamasanam” (PYS II/46), “être assis de façon stable et confortable” semble communément interprété par les commentateurs comme la définition ainsi que la technique de l’asana. Par conséquent, le sutra suivant, qui lui explique véritablement la technique, c’est à dire sans effort (prayatnashaithilya) et concentré sur l’infini (anantasamapatti), semble avoir été laissé de côté dans la pratique. Cette perte de signification fait que le terme “asana” est maintenant exclusivement assimilé au corps et aux postures. Ceci pourrait expliquer pourquoi, de nos jours, nous avons perdu de vue l’asana en tant que yoga-anga dans lequel même le corps est transcendé et la personne n’est pas malmenée par les paires d’opposés (PYS II/48). Cet aspect est absent aujourd’hui dans la pratique des asanas. Ils sont devenus superficiels, limités aux seuls aspects physiologiques et pratiqués dans les clubs de sport pour leur bienfaits sur l’endurance, la flexibilité et la beauté du corps.

En fait, le terme “sthira” qualifie directement le terme “sukham”, puisque “sthira” semble être un adjectif, pour signifier “flux continu de confort” (sukha-sthirata). Si nous acceptons ce sens, alors “sthirasukhamasanam” est un état du mental dans lequel le flux continu de confort est maintenu, ce qui qualifie automatiquement l’asana en tant que yoga-anga (membre du yoga).

Pranayama (allongement du souffle)

Pantanjali met l’accent sur l’apaisement des activités du citta par la prolongation et la mise en pause des activités respiratoires pour demeurer immobile. “tasminsati shvasaprashvasayor gati-vicchedah pranayamah” (PYS II/49) – ce sutra montre qu’une pratique intense d’asana mène automatiquement au pranayama. Le “shvasa-prashvasa” (inspire-expire) qui est l’un des symptômes du “cittavikshepas” (distraction du mental – PYS I/31) est suspendu (vicchedah) de façon spécifique dans le pranayama. Cela aide à retirer tous les voiles masquant la conscience (PYS II/52) et le mental devient un instrument adapté pour entrer dans le champ du dharana (i.e. la concentration). De nos jours, cet aspect du pranayama est négligé et il est utilisé pour simplement soigner des maladies.

Dans le Hatha Yoga, lorsque les nadis (canaux énergétiques) sont purifiés par une pratique régulière de pranayama, le prana (énergie vitale) est canalisé dans sushumna (principal canal énergétique qui longe la colonne vertébrale) grâce à divers exercices de Hatha Yoga (bandas, mudras, … etc), pour remonter le long du canal sushumna et provoquer un état de Manonmani, le plus haut niveau de conscience yoguique (HP II/41-42). Malheureusement cet aspect du Pranayama (khumbaka) est totalement négligé à notre époque.

Pratyahara (le retrait des sens)

Dans la Kathopanishad il est dit que nos sens sont dirigés vers l’extérieur (“Pranchikhani vyatrinat..”). Donc chaque fois que nous interagissons avec le monde extérieur notre mental reçoit constamment, par l’intermédiaire des sens, des stimuli auxquels il réagit. Si l’on veut se débarrasser de toutes ces distractions du mental alors il faut développer une capacité à se déconnecter des stimulations extérieures pour aller vers un état de conscience internalisé. Cette pratique classique consistant à tourner la conscience vers l’intérieur est également totalement ignorée de nos jours.

Dharana (la concentration) et Dhyana (la concentration maintenue)

A ce stade, le mental développe, grâce à une pratique volontaire régulière, la capacité à diriger son pouvoir dispersé de concentration sur un objet particulier (dharana). Lorsque ce processus de concentration ininterrompue est maintenu, alors la concentration aboutit à Dhyana, la méditation yoguique. Dhyana est un flux de conscience ininterrompu en direction d’un objet spécifique. Ensuite, lorsque la conscience atteint son plus haut stade, cet état se nomme samapatti, la fusion totale avec l’objet de concentration, état se situant bien au-delà de la conscience et du subconscient, c’est à dire un flux de super-conscience qui donne naissance à un prajna connu en tant que rtambhara (sagesse intuitive). Toutes les approches classiques du yoga préparent le sadhaka à atteindre le stade avancé de dhyana.

Samadhi (fusion avec l’objet de concentration)

Au stade de dhyana, Triputi (le méditant, la méditation et l’objet de méditation) est maintenu, ensuite un dhyana prolongé et intense mène au stade ultime de samadhi où seul l’objet se révèle comme si le méditant et le processus de méditation s’étaient dissous. Ainsi le sadhaka retrouve ce lien d’unité avec l’infini et atteint la paix, la perfection et la tranquilité. Une personne qui a atteint le samadhi vit sa vie en tant qu’expression spontanée du flux de conscience suprême non entravé et transcende toutes les cultures, les castes, les credo, et les couleurs. Lorsque l’on expérimente l’infinie conscience, alors la vie est transformée, ce qui constitue le but du Yoga classique, qu’on le comprenne comme unification ou comme intégration.

Le véritable bénéfice de la méditation au sens classique est malheureusement absent de beaucoup de pratiques soit-disant méditatives à notre époque.

Conclusion

Aujourd’hui, il est nécessaire d’adopter les pratiques classiques de Yoga qui peuvent nous aider à rediriger notre fonctionnement de la passion à la pureté, du non vrai au vrai, de l’insensibilité à la bienveillance, et à mettre notre ego de côté. De nos jours, ces actes fondamentaux sont absents de la pratique mais ces vertus peuvent être cultivées à travers une discipline et le recours systématique à un mode de vie yoguique reposant sur une alimentation et des activités saines, la pureté des pensées, etc … (Gita VI/17). Il est possible de parvenir au contentement et à un état d’esprit serein qui peuvent nous aider dans nos tâches quotidiennes avec beaucoup d’amour et de dévouement.

Pour résumer, tous ceux qui ont réduit le yoga à des exercices physiques devraient savoir que le Yoga traite à la fois du corps, du souffle et du mental, et qu’il a un but qui s’étend bien au-delà du mental. Rappelons-nous qu’Asana et Pranayama font juste partie d’un tout qui s’appelle le Yoga, et que ce tout est la science de l’accomplissement ultime de la vie, à savoir la réalisation de notre nature divine.

Source: Dr B.R. Sharma, Directeur de l’Université de Yoga et Synthèse culturelle, Kaivalyadhama, Lonavla, Inde. Traduit de l’anglais. Article original « Yoga: Classical and Contemporary Perspective »