Sudhir Tiwari a peut-être grandi dans le plus vieil Institut de yoga du monde, mais il n’avait jamais eu l’intention de suivre les traces de son père.
Il avait d’autres rêves qui lui semblaient « naturels ».
« Mon intention n’était pas de poursuivre une carrière dans le yoga », déclare Sudhir, le fils du réputé professeur de Pranayama Shri Om Prakrash Tiwari, qui est secrétaire général de Kaivalyadham depuis les années 60.
« À l’époque j’étais attiré par l’ingénierie », il explique. « Le yoga n’était qu’une partie de ma vie donc je suis entré dans une école d’ingénieur ».
Après avoir été diplômé de l’université de Bangalore en Inde, Sudhir a déménagé aux États-Unis et a passé un MBA à l’université Saint-Joseph de Philadelphie. Puis, après avoir travaillé en tant que cadre dans l’industrie de la santé et du bien-être en Inde et aux États-Unis, il a déménagé au Canada en 2000 et a travaillé chez General Nutrition Centers (GNC).
Le père de Sudhir aurait préféré qu’il reste à l’Institut de yoga à Lonavla en Inde, mais il a autorisé son fils à suivre son propre chemin.
En tout cas pour une vingtaine d’années.
« Surtout quand vous avez grandi dans cette atmosphère, vous connaissez les lieux sous toutes les coutures, vous connaissez l’âme de l’Institut, ou les messages, ou celui du fondateur », dit Sudhir. « Mon père, même s’il souhaitait que je reste, ne voulait pas m’imposer sa volonté donc il a dit ‘OK, fais ce que tu veux, mais tu finiras par revenir au yoga’, et c’est ce que j’ai fait. »
O.P. Tiwari a demandé à Sudhir de revenir au yoga il y a environ 5 ans.
« En 2010, 2011, il voyageait beaucoup » déclare Sudhir à propos de son père. « A un moment il a dit: ‘Je veux réduire mes voyages et je veux que tu commences à enseigner’. Alors j’ai dit ‘OK il m’a laissé voler de mes propres ailes’. Je travaillais chez GNC en tant que directeur régional des ventes et il était temps d’aller de l’avant. Donc j’ai quitté mon travail et j’ai dit à mon père: ‘OK je vais faire ce que tu me demandes.' »
Sudhir habite toujours à Toronto avec sa femme et ses deux enfants, mais maintenant il voyage dans le monde 6 mois de l’année pour diriger des stages de yoga spécialement orientés sur le pranayama, la partie respiratoire du yoga.
Le maître enseignant a une connaissance approfondie des textes yoguiques, du pranayama, des asanas, des Kriyas et de l’Ayurveda, en plus d’être familier de la médecine occidentale. Il va rendre sa première visite à Edmonton pour un atelier de yoga et de pranayama du 27 au 29 avril 2018, au Providence Renewal Center.
« Je voyage énormément et me rends en Inde trois fois par an » dit-il. « J’ai commencé à y retourner l’année dernière parce que j’ai monté une formation certifiante en pranayama sur 3 ans. La structure de la formation est telle que je dois être sur place trois fois par an pendant une semaine. »
« Parfois, vers la fin de l’année quand j’ai du temps, je reste un peu plus longtemps après les formations pour faire d’autres choses. »
Swami Kuvalayananda, qui a fondé la lignée de Kaivalaydham en 1917 et l’a officiellement enregistré en 1924, n’est peut-être pas aussi connu que Krishnamacharya, mais il est considéré comme un pionier dans le domaine du Yoga car il a réuni la science moderne et le Yoga. Il a cherché des explications scientifiques pour prouver les effets phycho-physiques du Yoga qu’il avait expérimentés. Avec l’aide de certains de ses étudiants dans un laboratoire, il a commencé des recherches sur les effets de certaines pratiques yoguiques sur le corps humain.
Kuvalayananda a fondé son centre de recherche sur le Yoga et la santé en 1924 afin de se doter d’un laboratoire pour son étude scientifique sur le Yoga. Il a aussi démarré le premier journal scientifique consacré aux études sur le Yoga, Yoga Mimansa, dans lequel il a publié son premier article sur la posture de la chandelle en 1924. Ses premières expériences ont porté sur les effets des asanas, shatkarma, bandhas, et du pranayama.
« Il disait que la recherche scientifique était incomplète sans la recherche philosophique » dit Sudhir. « Il a commencé à collecter des manuscripts de différents textes traditionnels datant de plusieurs milliers d’années – ‘Voici la pratique. Quelle est la technique ? Comment cette pratique doit-elle être exécutée ?' »
Les expériences substantielles et innovantes ainsi que les études sur presque tous les aspects des pratiques yoguiques ont attiré l’attention de certaines universités américaines réputées, dont l’université de Yale. Des chercheurs ont été envoyés à Kaivalyadham pour en apprendre plus. La recherche et la collaboration continuent actuellement.
Kuvalayananda a été également le professeur de l’ancien leader indépendantiste indien Mahatma Gandhi (presque 80 lettres de correspondance ont été retrouvées) et, à la demande du Maharaja de Mysore, a été désigné pour donner son avis sur la pratique de Krishnamacharya.
Kaivalyadham, organisation caritative à but non lucratif, s’est développé pour inclure une université, un hôpital yoguique, ainsi qu’un campus de jardins et bâtiments de 180 acres.
Friedal Khattab, professeur de Yoga bien connue à Edmonton et décédée en 2015, après avoir consacré sa vie au Yoga dans l’état d’Alberta depuis les années 60, a étudié à Kaivalyadham et est restée à l’hôpital pour apprendre le Yoga Thérapie. Elle a amené à Edmonton le Dr. Manmath Manohar Gharote, son professeur et directeur de l’institut à l’époque, pour donner une formation avancée de professeur de Yoga et de Yoga Thérapie en 1977.
C’est dans cet environnement que Sudhir a grandi, bien qu’il fût né dans le nord de l’Inde. Son père est devenu élève de Kuvalayananda en commençant une formation de deux ans en 1957, pour finalement être choisi afin de diriger l’institut.
Le premier professeur de Sudhir, Swami Digambarji, est un disciple direct de Kuvalayananda, tout comme son père. Sudhir est devenu disciple de Digambarji à l’âge de 17 ans lors d’une cérémonie intiatique.
« Cependant, comme j’ai grandi dans l’institut, mon éducation a commencé bien avant mes 17 ans » dit Sudhir.
Parce que sa vie était imprégnée de Yoga, il assistait aux cérémonies du matin et du soir avec ses parents. Sans même essayer, il a appris les chants et les mantras juste en étant présent à leur côté tout le temps.
« Pour moi, ça n’avait rien de formel, mais quand j’ai grandi, je connaissais d’une certaine façon beaucoup de choses en terme de pratique » explique-t-il. « Je les ai comprises plus tard, mais je savais comme pratiquer les asanas, le pranayama, mais l’idée sous-jacente est venue bien plus tard. »
Sudhir a commencé a enseigner le Yoga après avoir passé son diplôme en 1981.
« Je n’étais pas formellement professeur, mais je représentais l’institut » dit-il. « Si quelqu’un devait enseigner aux employés du chemin de fer indien, j’étais l’un de ces enseignants. »
Dans les années 80, diverses organisations, entreprises, écoles, et même la police, demandaient à l’institut d’enseigner le Yoga à leur employés une fois par semaine. Donc Sudhir s’est retrouvé à enseigner le Yoga dès qu’il en avait le temps en dehors de ses études d’ingénieur. Il pratiquait aussi lui-même régulièrement.
« Ce n’est pas comme si j’avais divorcé d’avec le Yoga » dit-il. « La pratique yoguique a toujours fait partie de ma vie quotidienne. »
Il a continué à enseigner le yoga occasionnellement, se rendant régulièrement en France une fois par an pour y donner des stages. Mais Sudhir a eu un réveil douloureux lorsqu’il a pris la relève de son père.
« Techniquement, il y avait eu une absence de 20 ans pour moi dans le monde du Yoga. Bien qu’étant toujours enseignant, je ne disposais pas des informations et de la connaissance sur l’état de ce monde. »
« Il y a 30 ou 40 ans, quand quelqu’un disait ‘OK, je vais faire du Yoga maintenant’, le Yoga signifiait le Yoga. Lorsque je suis revenu, les questions commençaient dès que je disais que j’enseignais le Yoga. ‘Quel type de Yoga ?' »
« Il y a bien longtemps, ce n’était pas le cas. Asana signifiait Asana, Ça ne voulait pas dire quel style d’asana vous pratiquiez » poursuit-il. « C’est ce qui m’a alarmé. Et lorsque j’ai constaté que c’était devenu très physique, je me suis dit que quelque chose avait changé. Ce n’était pas un jugement en bien ou en mal, mais je voyais bien que les choses avaient changé. Les pratiques étaient devenues beaucoup plus physiques au point où ne pouvait plus appeler ça du Yoga. C’était quelque chose de travesti en Yoga. »
« Cela m’a donné plus de motivation. Je me suis dit ‘Non, le yoga devrait être enseigné sous la forme où il est supposé être enseigné. On peut adapter, mais sans compromettre les principes fondamentaux.’ Donc j’ai décidé que ce serait désormais mon objectif d’enseigner le Yoga traditionnel selon la lignée de Kaivalyadham. »
Cela veut dire le Yoga classique, avec asana, pranayama, chants traditionnels, techniques de méditation, et bien sûr théorie et philosophie intégrés à chaque stage. Son mantra est: « Respirez positif, respirez Yoga. »
« Maintenant, les asanas traditionnels sont de plus en plus populaires » dit Sudhir. « Parce que le Yoga a été dilué, vous voyez apparaître des cas de blessures, ce qui n’est pas le vrai Yoga. Si vous pratiquez de vrais asanas, vous ne pouvez pas vous blesser. En presqu’un siècle d’existence de Kaivalyadham, aucun cas de blessure n’a été répertorié par des gens pratiquant des asanas car ils les pratiquent de manière traditionnelle. »
« Lorsque les gens font des asanas de manière traditionnelle, ils sentent bien la différence entre une approche sportive et une posture yoguique. Il y a une différence. Donc maintenant les gens voient la différence quand il s’agit de l’aspect physique. »
« En ce qui concerne le pranayama, je vois une différence dans différentes parties du monde, mais je dirais que l’Amérique du nord a beaucoup de retard à rattraper quant à cette pratique. En Amérique du Nord, nous en sommes encore à un niveau plus physique. »
Source: Traduction d’un article de Norm Cowley, éditeur chez Yoga Bridge et professeur à Edmonton (Canada). Article original en anglais publié en hiver 2018, Pranayama Teacher Chooses Different Path….For A While